Dune Frank Herbert, Éd. Robert Laffont, 2020, version numérique, p. 36.
Peu avant que la maison Robert Laffont procède en 2020 à l’édition du cinquantenaire revue et corrigée de Dune, on estima que ce livre, considéré comme le chef-d’œuvre absolu de la science-fiction, avait atteint le nombre de 40 millions d’exemplaires vendus à travers le monde. J’avais moi-même acquis l’un de ces exemplaires, dans ma jeune vingtaine, peu après sa première édition (1965) par la maison Ace Books de New York. Venant de le repérer sur l’un des rayons de ma bibliothèque, j’en vois le coût d’achat, en haut de la page couverture, à droite : 1,50 $. Et au bas de la dernière page numérotée de ce livre de poche, au centre, le chiffre : 541.
Il est probable que l’action combinée de ce nombre de pages aux petits caractères et de sa langue, à une époque où je ne maîtrisais pas très bien l’anglais, a déterminé le fait que je n’en avais jamais, jusqu’à maintenant, entrepris la lecture. Cela, même si je soupçonnais fortement l’intérêt que son contenu ne manquerait pas de susciter chez moi. À cette époque, je venais de découvrir les écrits de Carl Gustav Jung et par là, le singulier éclairage que pouvaient nous procurer les mythes, contes et légendes, soit un type d’enseignement dont la perpétuation dans les diverses cultures et la traversée des siècles nous révélait manifestement l’importance. Le mythe d’Œdipe n’avait-il pas permis à Sigmund Freud de trouver le fondement de sa « théorie sexuelle »? Je n’ai donc pas été surpris, à la lecture de l’une des deux préfaces de la nouvelle édition française de Dune, la première signée par Denis Villeneuve (!) et la deuxième par Pierre Bordage, lui-même auteur de science-fiction (cf. Les Guerriers du silence), de voir celui-ci mentionner comme sources vraisemblables de Dune « … la fréquentation des gens de pouvoir […], l’étude des écosystèmes, des religions et des populations des déserts, la connaissance de Jung et de ses travaux psychanalytiques… ».
À la suite des tentatives ratées – celle en particulier d’Alejandro Jodorowsky (1975), artiste franco-chilien, illustre réalisateur des films El Topo et La Montagne sacrée, et celle du pourtant huit fois oscarisé David Lynch (1984) qui est un parfait navet, les critiques du cinéma en vinrent unanimement à conclure que le Dune littéraire de Frank Herbert, vu son extrême complexité et son également extrême subtilité, était inadaptable au cinéma. Cette conclusion, sous le signe de la résignation, n’allait toutefois pas être faite sienne par notre Denis Villeneuve québécois, réalisateur des films Ennemi (objet de la rencontre du Ciné-psy du 22 avril 2014) et L’Arrivées. Déjà interpellé au moment de son adolescence par ce « roman-monde » d’Herbert, Villeneuve n’a pas eu peur : il s’employa en toute confiance à relever le défi de réaliser cette tâche dite impossible. Et à se fier à tous les échos qui nous parviennent en ce jour du 11 septembre 2021, soit en ce vingtième anniversaire de la tragédie des attaques du World Trade Center, échos de la Mostra de Venise et du Festival du film de Toronto, Villeneuve a réussi. Les éloges formulés à l’égard du nouveau DUNE cinématographique qui a coûté 165 millions sont, le qualificatif n’est pas trop fort, dithyrambiques...
« Le film est un éblouissement visuel, sous caméra de Greig Fraser, avec de magnifiques cadrages, une lumière baignée souvent de clair-obscur, d’impressionnants décors et d’effets spéciaux dont Villeneuve n’abuse pas. »
« Une semaine après avoir fait sensation à la Mostra de Venise, Denis Villeneuve a été accueilli en roi, samedi, au Festival du film de Toronto, où il a présenté, en première nord-américaine, son très attendu DUNE. Notre verdict? Une grande fresque épique et magistrale menée de main de maître par le cinéaste québécois. »
« Denis Villeneuve a réalisé un grand film de SF, ambitieux, pédagogue, riche en action et magnifiquement photographié. Les acteurs, bien dirigés, apportent le supplément de vie qui aurait pu manquer et faire de DUNE une œuvre d’un intérêt uniquement visuel. »
« DUNE révèle sa complexité dans l’univers qu’il décrit. Tant d’un point de vue écologique que climatique e t géopolitique, certains diront philosophique. Publié en 1965, le roman de Frank Herbert résonne avec d’autant plus de puissance aujourd’hui que ces thématiques n’ont jamais été autant d’actualité. Coïncidence, Denis Villeneuve en donne aujourd’hui la version cinéma la plus aboutie et la plus fidèle au roman jamais réalisée. »
Combat avec les tyrans exploiteurs
Désert et vie intérieure
Écologie
Égalité femme-homme
Amour vs Pouvoir – Beauté – Humanisme – Inspiration archétypale – Jeunesse – Ténacité
L’épice d’Arrakis : ni le pétrole, ni une drogue psychédélique, mais le Daïmon socratique!
« Dune fait vibrer les cordes inconscientes de notre perception première du monde, pour y retrouver une dimension sacrée, une pensée en relation avec le merveilleux du vivant, avec l’Ayat, le signe de vie. Parce que notre futur verra notre relation à la Mère Première redevenir sacrée, ou il ne sera pas. » |